Bordel il fait chaud hein capitaine même avec le vent qui souffle un peu, il fait sacrément chaud ! Aussi chaud que dans le trou du cul d'un éléphant, je réponds alors que le petit jeune me dépose mon troisième café de la matinée. Je viens de lire cette phrase quelques pages auparavant j'explique au gamin, le bouquin se passe en floride, bordel gamin la floride, on dirait la fosse sceptique du monde, des moustiques, une putain de chaleur, une humidité et des alligators. Je passe mes matinées en terrasse maintenant, le gamin m'apporte quelques cafés, je lis une partie de mon livre quotidien, et parfois on discute un peu. Je ne sors plus que le matin, parce que je sais que les poivrots du port - c'est a dire la quasi-totalité de ses habitants - soignent leur gueule de bois. Je suis devenu une sorte d'ermite, je ne sors plus du bateau, au fond la littérature est le seul truc qui m'aura toute ma vie tenu en vie, ce bateau est une bibliothèque ambulante d'ailleurs, et donc je lis des livres. Une fois par mois je pars a la ville acheter quelques tonnes de livres. Il en tenait une bonne le petit magicien hier soir, me dit le gamin, il me fatigue capitaine si vous saviez, il parle encore du fantôme, il dit qu'elle ne l'aime pas mais que lui au moins il la voit encore. Je jette un sucre dans mon café et je regarde l'horizon qui commence a me gonfler, toujours ce soleil a la con en ligne de mire, j'ai envie de l'hiver et de l'automne, a moins que ce ne soit l'inverse. Il a peut-être raison je dis au jeune, c'est sans doute la vérité. Le vieux lui il dit que maintenant que vous pourriez picoler autant que vous voulez c'est curieux que vous ne picoliez plus. Il a raison le vieux, je pourrais aller me murger tout les soirs, je sais qu'aujourd'hui ça ne poserait plus aucun problème. C'est quoi votre putain de blocage capitaine, me demande le petit jeune. Vous pourriez vous laisser un peu aller désormais, le fantôme ne viendra plus, on le sait vous et moi, je pourrais vous servir autant de picon que vous voulez en boire, autant de gin-gini que vous pouvez en boire. Je suis lessivé mon garçon je dis au petit jeune, je suis trop fatigué pour toute cette comédie, même écrire me prend l'énergie que je n'ai pas, je n'ai jamais été trop doué pour la vie et les sentiments. SI je me mettais a boire je deviendrai encore plus con que je ne suis, et je lâcherais pas l'affaire. Je suis trop jeune pour vous comprendre, je suis trop jeune pour ça vous savez, je peux pas m'imaginer sacrifier ma vie, je ne peux m'imaginer refuser de vivre a cause d'une gonzesse. Je termine mon café. Il me reste assez peu de pages a lire de mon livre. Je le terminerais plus tard, j'aime bien garder la fin d'un livre. Finir au réveil. J'aime bien m'arrêter juste avant la fin et la garder pour plus tard. La ou tu me déçois mon petit gars c'est que tu n'as rien compris, tu subis peut-être trop l'influence du magicien et du vieux collé au zinc, tu n'as peut-être pas toute les cartes entre les mains mais il faut que je te dise quelque chose auquel tu dois réfléchir pour plus tard. Je ne sacrifie rien du tout et crois-moi ou pas mais je n'ai pas le mauvais rôle. Tu sais c'est presque a gerber comme je n'ai jamais le mauvais rôle. C'est toujours moi qui m'en sort le mieux, crois moi, toujours moi qui m'en sort le mieux. C'est pas juste mais c'est comme ça. C'est pas juste. Mais c'est comme ça. C'est vraiment comme ça.