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Elle s’appelle je ne sais plus elle est slovaque elle s’assoit à mes côtés et puis elle me parle elle veut me parler car je suis français nous parlons anglais à chaque phrase j’ai l’impression qu’elle va vomir. Elle a pris des champignons c’est sa copine qui me le dit nous sommes à prague en l’an 2008. Elle s’appelle susanna je crois la fille du lendemain, bon en république tchèque la moitié des filles s’appellent susanna, je connais déjà son histoire pas très gai de cet enfant qui est retardé et qu’elle élève seule. Je me souviens nous sommes dans ce lieu incroyable sur une des 3 collines de prague, tu domines toute la ville, un grand terrain et un bar au bout. Soirées privées. Milieu techno. Elle dit pourquoi tu m’offres des bières sans arrêt, je lui dis des pintes à 50 centimes pour moi ce n’est rien. Elle tousse sans arrêt, elle tousse, on dirait qu’elle va mourir. Elle me dit, tu sais je te préfère maintenant, tu sais il y à 5 ans à bruxelles j’ai l’impression que tu étais tout le temps bourré. Elle dit tu ne changes pas, c’est surprenant comme tu ne changes pas. Elle s’appelle monica, nous sommes où je ne sais, dans un rade dans zizkov, dans ma chère zizkov, nous sommes dans ce rade ou on joue au baby foot, elle sait juste dire comment tu t’appelle en français. Elle ne parle que russe et tchèque. Je ne parle que français et anglais. Elle s’appelle susanna encore, elle ne vient jamais, il me dit, elle est malade, je me demande si c’est vrai. Il me dit elle est malade, je bois ma pinte et je mange mon goulash, il est 11h20 du matin. La tchèquie est ce pays merveilleux ou on dort peu, ou on se lève très tôt, ou les supermarchés ouvrent à 6 heures du matin et on mange à 10h30 le midi. Elle s’appelle elena, elle est devand le café bukowsky, oui le café bukowsky, avec sa photo sur la porte, oui la café bukowsky, dans borivojova, quartier zizkov, praha 3. Elle me dit tu sais c’est un café d’intello, que des américains ça ne va pas te plaire, tu sais c’est des rebelles en cartons comme toi, mais pas drôle comme toi. Elle tousse et elle me dit tu as la forme les lendemains de cuite, je comprends mieux que tu ne sois pas si dépressif. Les filles me montrent des photos, les chats se frottent contre moi, c’est le lendemain de la cuite, le jour de la cuite, la veille de la cuite. Elle s’appelle comment cette fille, elle est jolie, je veux l’impressionner je suis tellement bourrée, elle me paie un alcool, peut être une absinthe non un autre truc et la je lui dis je suis le plus grand écrivain français non publié. La femme de Lo me dit le lendemain entre deux toux, c’est pas mal cette formule. Lo m’engueule car la fille me payait à boire et voulait discuter dans un anglais appréciable et je me suis barré. La serveuse lettonne gueule car je m’endors dans le rade. Des pintes et puis des pintes. Je goûte ce truc là, c’est le polonais qui me fait goûter, un tiers absinthe, un tiers tonic, un tiers jus de pomme. Elle s’appelle alena, nous sommes au dernier étage du cross, le cross est comme qui dirait une boîte de nuit dans un immeuble, des dizaines de pièces, un charivari d’ambiance, de bar, de salles, ou on peut danser manger jouer au baby foot, fumer des pétards. La tchéquie est ce pays formidable ou on peut fumer des pétards dans les cafés mais ou on ne peut pas fumer de cigarettes aux arrêts de bus. Alena dans la nouvelle salle du cross, toujours pareil le cross, pas de service d’ordre, une terrasse, une déco de récup, l’anti boîte de nuit. Alena parle le français, c’est une élève de Lo, elle me récite roméo et juliette en tchèque, me parle de sa carrière, elle me dit tu apparais tu disparais et tu ne peux demander aux gens tout ce que tu demande. La femme de Lo qui tousse, j’ai perdu un peu la mémoire des heures, des jours, je bois une becherovka tonic quand je n’en peux plus de la bière, que la pinte me fatigue, on danse bêtement dans ce bar homo avec fille lesbienne qui pleure dès qu’elle entends une chanson. On fait attention en rentrant, des tramways jaillissent de nulle part, on revient toujours à zizkov, la tchéquie est ce pays épatant ou les flics vous mettent une amende si vous traversez quand le petit bonhomme est rouge. J’attends Lo dans ce rade, il me présente ce type qui est acteur, il me présente des drogués, il me dit mais bordel on y va. Mais arrête de finir ta pinte tu sais bien qu’il va t’en ramener une chaque fois que tu la finis. Dis lui stop. Tu la finis toujours, bordel tu connais la coutume quand on finit sa pinte c’est qu’on en veut une autre. On descend zizkov, on monte zizkov. De toutes façons c’est jamais plat. Faut que je rentre, je le sais, il faut dejà que je rentre, Lo à la montée du car qui me dit ça me fait quelque chose chaque fois que tu pars. Tu as peur d’être mort la prochaine fois je me dis. Tu as peur qu’il n’y ai pas de prochaine fois. J’espère toujours que tu vas rester il me dit. Tu sais bien que je ne resterais jamais je lui dis. Je ne tiendrais pas. Elle s’appelle suszanna, elle me dit, tu bois tu parle tu bois tu parle, elle me dit, tu bois puis tu ne parle plus. Et puis tu disparais. Soleil sur le pavé de zizkov, la ville semble épuisé, je me dis une semaine sans alcool, une semaine sans bière. Je me dis je reviendrais encore une fois. Même si la vie n’est pas comme ça. Je devine la fatigue l’épuisante fatigue dans leurs visages je devine tout ce qu’ils endurent leurs corps marqués je me demande s’ils pourront vivre encore longtemps avec cette rage du pied sur l’accélerateur avec cette rage de la tête contre les murs. Toujours trop loin toujours en dedans. Les marques sur leur visage sur leur corps, le corps hallucinant de mon beau lo, les cheveux un peu blancs non mais son corps amaigri comme s’il fondait s’évaporait lentement. Je me demande s’ils pourront tenir longtemps dans cette perspective glacée glaçante dans cette sorte de brouillard frelaté. Je vois les lignes je vois les particules de poudres qui volètent dans l’air saturé de la cuisine. Je vois les herbes sans tabac l’herbe avec tabac je vois tout ces pétards qui se consumment sans frisson. Les bières au réveil après les cafés les bières après les expectorations bruyantes, je sais leur douleur je ne sais pas. Je le sais plus intelligent que moi beaucoup plus intelligent, je le sens beaucoup plus fatigué comme déjà dans cet autre vie. Elle me dit pour toi c’est facile pour toi tout est simple tu peux arrêter reprendre et puis tout recommence tu peux cuiter fumer doper tu peux tout et tu peux rien pour toi c’est beaucoup plus facile. C’est la planante certitude des lendemains de fêtes, tu es un rebelle en plastique, tu es un intermittent alcoolique. Tu es du côté de la vie, c’est normal tu es si immodeste, si imbu de toi-même tu ne pourrais pas faire de mal à ta belle carcasse. Pas de dommages irréversibles. Je regarde leurs corps comme déjà perdant d’une bataille trop longue, trop pleines de fureurs non éteintes, de dérives sans ceinture, de pertes de connaissances, d’oubli de soi. Leur corps portent les stigmates de leur vie défoulés. J’aimerais bien ne plus les juger, juste rester près d’eux, vivre encore quelques instants, vivre encore un peu, on pourrait attendre un peu la fin ensemble, j’aimerais ne plus les abandonner à leur folie, mais je ne peux rien pour eux, je ne peux plus les accompagner, ils le savent je pense, ils le savent bien, ils le savent trop. Le déhanchement la grâce ce n’est plus pour eux, ils sont dans l’après, nous descendons ensemble les rues de zizkov, croisons l’homme sans poil, embrassons la fureur de nos tourments, mais je sais bien que je ne suis plus avec eux, car je ne suis pas le roi des camés. Juste un figurant de la déroute, et encore, ils tendent leur bras las vers moi, leurs os grincent, encore un peu, beaucoup trop peu. Ils leur vient des envies de larmes alors je reste un peu dans leur bras encore un peu. On boit encore quelques pintes on boit encore un peu même si boire pour eux ce n’est rien même si boire c’est une sorte d’échauffement avant la pure déroute. On pourrait voir le soleil mais ça fait comme de la brume sur la ville, on voudrait voir le soleil mais il ne passe plus à travers le ciel. Il est temps de revenir à la vie normale. C'est comme une petit mort, commes de petites capsules de bonheur qui se bouscoulent dans ma tête. Hier soir je me souviens comme j'ai envie de pleurer, je reviendrais ce sera prague 2009, et je reviendrais encore et ce sera prague 2010 et ça finira mal. Je suis en manque de bière quand je repars de la. Je suis en manque de sus(z)anna(s), en manque de bière, en manque de rues qui montent, en manque de pavés, en manque d'épicerie vietnamienne. Nous nous sommes dits l'absence et puis le temps qui efface tout doucement les souvenirs sur des tableaux un peu vieillots. Nous avons ris comme des petits enfants. J'ai eu envie de boire et puis je l'ai même pas fait. J'ai serré le temps et les souvenirs contre moi. J'ai pensé que les jours se succèdaient avec une frénésie factice. La vie c'est comme des instants qui passent, comme du sable qu'on ne peut garder au creux de la main. Mais le corps n'oublie pas. Le corps lui n'oublie rien.