Fumer l'espace.

Je vais au magasin 4 dans la soirée avec Dom et son mec, il y a toujours une ambiance un peu bizarre entre eux. On sort de l’immeuble de la rue des fleuristes et la femme qui habite la maison d’en face avec ses enfants nous dit bonjour, alors qu’elle fume sur son palier. Je l’aime bien. Nous avons un amour platonique, elle me dira le jour où je déménagerai pour repartir en France que je peux venir quand je veux boire un verre chez elle. C’est là que je comprendrai que j’avais sans doute mes chances mais que comme disait mon ancien colocataire de Bruxelles, comme d’habitude je n’ai rien vu. Les gens croient toujours que je n’ai rien vu, mais c’est bien pire que cela. Je n’imagine jamais qu’une femme veuille sortir avec moi. Ça dépasse mon entendement. Qui voudrait sortir avec un écureuil de laboratoire ? C’est comme ça que j’ai démarré l’alcool. Pour pouvoir parler à tout le monde et surtout aux filles. Mais comme disait un type avec lequel j’ai été ami quelques années plus tard, tu montres la pire face de toi à une fille que tu vois pour la première fois. Le truc c’est qu’il faut atteindre l’ivresse relative, ce à quoi je n’ai pas toujours réussi, l’ivresse relative c’est parfait, vous êtes drôle, léger, les gens se marrent sur votre passage, on dit même à vos amis, tu le ramèneras le rouquin un peu enrobé, il est trop drôle. A Bruxelles, je ne suis plus enrobé, le fric est un réel problème et je ne mange pas à ma faim. Du coup je maigris. Pour en revenir à l’ivresse ça ne tourne pas toujours ainsi, souvent je tombe, je fais un peu de cinéma et je m’écroule, me réveillant souvent dans un lit, parfois sur un banc. Dans une voiture. L’ivresse c’est quelque chose de particulièrement délicat a manier et a doser, et il faut bien dire qu’on y arrive assez peu dans la vie. Pas assez ou trop d’alcool, c’est le même problème qu’avec la cocaïne. Avec la vie. Avec tout sans doute. L’idée est toujours supérieure a la réalisation. Il faut rester au bord, de tout, toujours, il faut rester au bord de ce qu’on veut et ne pas s’y vautrer. Et on ne le fait jamais. Ou presque.