Le va le vient. Des lignes lues sur des feuilles, des étreintes bancales, des désirs qui s'ignorent. Et tout
qui recommence encore. J'ai vu ma mère morte sur son lit d'hôpital, je l'ai vu, et puis ensuite ses yeux se sont ouverts et la vie à repris son cours. Une fille me dit je veux vivre avec toi car
un jour tu me tueras et je veux mourir. Je divague entre les gens, je rencontre des corps, j'embrasse des lèvres, je caresse des ventres, et puis tout recommence et tout est fini. Je me demande
vers quelles douleurs je vais encore, ma lâcheté me fracasse, mon désir me rumine, et puis l'alcool encore et toujours, l'alcool me rends mauvais en ce moment, je vais perdre ce que je n'ai plus.
Je vais me perdre je crois, je me nuits et puis voilà. Je ne change pas je descends des verres sur des comptoirs en zinc, je cours dans la nuit, et puis j'ai peur, de tout, de elle, de elles,
j'ai peur je ne peux plus. Il pleut je marche dans la nuit, métro, et puis marcher encore, et puis il pleut, et puis je cours. La lente descente en fièvre, les longues et inexorables descente en
enfer. Il me reste les mots écrits sur des feuilles blanches, je me dis je suis mort, je me tue, je maudis mes larmes, je médis mon âme, je ne sais plus qui je suis, ce que je veux. Je rencontre
des filles jeunes auxquelles je n'ai rien à dire, je dévoile mes mollets dans des bars, je vide ma canette sur le trottoir. Boire ne pas boire. Vivre ne pas vivre. Mourir ne pas mourir. Candidat
au suicide de l'ivresse, je ne sais plus ce qu'est la vie, je ne sais plus, les sourires des enfants, le souffle du vent, l'eau qui caresse les chevilles. Je m'abrutis de longueurs de piscine, je
m'abrutis mais ce n'est rien, j'ai mal aux bras, aux jambes, j'ai mal comme un enfant, j'ai mal d'être vivant. Je lis ces lignes «et chacun s'en ira , en se consumant tels des petits soleils
mort-nés à l'agonie». J'attends la chute, j'attends la fin, j'attends qu'elle me déteste, j'attends la fin de sa pitié. De la douleur à l'état brut qui ne dit pas son nom. Des larmes, des
larmes dans la piscine. Tu pleures, tu vois, tu ne sais plus. De la douleur à l'état brut je vous dis. Des petits morceaux roses et multicolores. J'ai vu ma mère morte sur un lit d'hôpital, je
vois mon père mort, j'ai vu mon frère mort. Je suis encore vivant. Je suis le seul vivant. Mais ma mère rouvre les yeux. L'absence, la présence, elle est absente quoi qu'il arrive. Elle n'est
plus là. Ailleurs, toujours, ailleurs, vers d'autres rives, vers d'autres rêves factices, d'autres langues, d'autres bouches... Alors je me noies dans l'alcool, je m'inonde de maux, de douleurs
exquises, je m'irrigue de nuit et de brouillard. Je meurs c'est beaucoup plus simple. Je meurs. Je meurs factice, je suis factice, je suis comme qui dirait l'ombre de mon ombre, le rêve de mes
rêves, je suis celui qui ne peut, celui dont on ne veut, celui qui est non. Des nous qui ne se parlent plus, des jours qui se suivent, des cauchemars qui se ressemblent, des vérités qui
s'assemblent. Et puis l'alcool au milieu de tous ça, nos ivresses, nos détresses, nos caresses sous le poids de l'ivresse. Et puis nos corps à l'abandon qui ne respirent pas l'un dans l'autre,
qui ne se suivent pas, qui ne se parlent pas, qui ne savent plus comment vivre. Tu ne m'aimes pas, tu le répètes en boucle, tes yeux le disent encore et encore, ton corps m'accepte un peu je
crois, mais ton âme ne veut plus de moi. Tu me dis je n'ai pas peur, tu m'effleures à peine. Alors je bois je continue ma déchéance, je suis là, encore au bout du zinc, je suis encore à enquiller
les godets, je suis encore celui qui ne veut pas rendre les armes, je cours je cours je me souviens dans les rues dans la nuit, je cours après toi je cours pour t'échapper. Je veux boire boire et
encore boire, je ne veux plus voir, je ne veux pas de ce miroir au dessus du bar, je ne veux plus de mon image, je ne veux plus. Je ne suis plus doué pour la parole, je ne sais pas parler, me
plaindre, je ne sais plus, pas, je ne sais pas, je ne veux plus vivre, je ne veux plus boire. Mais je ne trouve que l'ivresse, l'ivresse et encore l'ivresse. Je veux me perdre, je veux me tuer,
je veux rester hagard sur le bord de la route, je veux tendre le pouce, je veux vider des godets, je veux finir les verres, je veux m'enfiler la flasque, je veux...Je ne mange plus, je dors un
peu, je ne pense pas. Je veux juste boire et m'enfiler des verres, je veux juste que l'alcool me prenne, je veux juste. Mais je ne peux plus, je ne peux pas, je ne sais plus, pas, je ne sais plus
rien, je ne vois plus rien. Je suis hagard là, au bout de la route, je suis celui que tu verras, a 4 pattes dans le caniveau, je ne suis pas. Je ne suis plus. Le souffle coupé. Et je m'étonne de
ça tu sais, je m'étonne, je détonne, je sais que ce ne sera jamais fini. Toi moi et tout les autres. Toi moi et toutes les autres. Comment te dire, que je serais toujours seul, toujours en
moi-même, que je ne partage rien, jamais, rien de rien, je veux bien donner le change mais je ne veux plus. Je ne jouerais pas le rôle du passager. Laisse moi au bord de la route. Marcher vers
nulle part c'est une des choses que je sais faire.