Une fille qui doit venir d'une planète reculée entre la province et l'étranger essaie désespèrement de mettre son ticket de métro à l'endroit ou il est censé ressortir. Alors je lui montre la
bonne fente si je puis dire. Elle me regarde d'un air dédaigneux et passe le tourniquet. Alors je m'en vais. Je ne suis même pas déçu par shutter island, c'est tellement mauvais que je suis pas
déçu. Pour la centième fois j'imagine ce que lynch aurait fait du livre. Je me demande juste comment on peut faire aussi long et chiant à partir d'un livre aussi haletant. Etonnant. Il
manque le dernier chapitre me dit hell, heu non je crois qu'il manque le premier je rétorque. Je m'éloigne de moi-même, boit quelques bières, évite la cuite, vaguement. Il se passe pas grand
chose. J'apprivoise la solitude, le manque d'alcool. Et puis le déclic. Je me dis que c'était ce jour la que c'était arrivé. Juste 25 ans. Je suis revenu en arrière. Au jour de ma première
mort. J'avais un peu plus de 15 ans presque 17. Le jour de ma première mort, il faisait beau je crois, un peu comme aujourd'hui, très beau et très froid. Je vissais mes crampons, détendus,
dans un vestiaire flambant neuf. Je ressentais une petite douleur au genou, ou du moins c'est toujours ce que j'ai cru jusqu'a aujourd'hui, mais dans mon souvenir j'ai une douleur au genou. Mon
entraîneur m'a dit que je pouvais ne pas jouer si je voulais, on s'en fichait un peu de ce match, l'équipe en face était assez faible, à moins que ce soit nous qui étions très fort, c'était pour
avril mai les gros matchs. On attendait. Le jour de ma première mort, je ne me souviens de rien de particulier, sauf que j'étais capitaine, le petit génie était parti sous d'autres cieux plus en
adéquation avec son talent. Je me souviens que j'étais capitaine. Comme disait mon entraîneur, t'es le type que je connais au monde qui à le moins de capaciter a diriger les autres, mais quand tu
gueules ils t'écoutent. Ils sont tellement sciés quand tu t'énerve qu'ils te suivent. Et puis tu fais moins le mariole quand t'es capitaine, t'es plus concentré. La moitié des titulaires se
reposaient ce jour là, les moins bons les has never been, les jamais titulaires c'était ca notre équipe ce jour la. J'aurai pas du jouer ce jour la, j'aurai du me reposer. Mais j'aimais tellement
ça, jouer, jouer. Bordel c'était ce carburant qu'est devenu l'alcool, qu'est devenu le chlore. Tu m'étonnes qu'un paquet d'anciens sportifs deviennent alcooliques. Tu m'étonnes. Je me souviens de
pas grand chose de cette journée. C'est un peu comme la vie dans les films c'est quand même toujours mieux que la vraie vie. Toronto semble toujours une ville mystérieuse dans les films de
cronenberg vie alors que sincèrement toronto est la ville la plus fadasse que je connaisse. Il faisait soleil et froid je me souviens, comme aujourd'hui, je me souviens, il y a 25 ans déjà. Je me
souviens des jolis vestiaires, du joli terrain, je me souviens une banlieue ouest riche, très riche, le genre d'endroits qui ne recèle aucune surprise sauf dans les films de lynch. Je me souviens
que nos adversaires semblaient en transe, faut dire qu'on était les meilleurs à quelques centaines de kilomètres à la ronde, je sais pas si le match était important pour eux, s'ils pouvaient
encore se qualifier pour une coupe en bois. Ce jour là, je pensais à la proposition d'un club pyréneen qui voulait me prendre pour l'année suivante. Le rugby disait mon père, non mais tu vas
faire quoi dis moi, c'est même pas un sport professionnel, tu vas vivre de quoi après, quand à ma mère elle pensait que c'était un sport de brutes, elle donnait l'impression que je risquais ma
vie a chaque instant. Remarque disait frère connard, toi qui aime la pluie, tu sera servi dans les pyrénées. J'ai vécu près de lourdes quelques années plus tard et j'ai constaté que frère connard
avait rarement dit quelque chose d'aussi censé dans sa courte vie de crétin. Je me posais des questions, j'aimais pas trop l'ambiance du rugby, j'aime pas le sud et je déteste la campagne. Mon
entraîneur pensait que je n'allais plus m'améliorer, à l'époque il fallait partir dans le sud ouest si on voulait jouer au haut niveau. Le jour de ma première mort, j'avais un peu discuté avec
momo. J'en peux plus des valeurs du rugby il me disait, c'est trop bon ce sport mais c'est pas pour nous, il y a un décalage. Je lisais déjà beaucoup à l'époque. Je ne savais pas encore que
j'allais essorer des centaines de livres, des milliers de page, dans les mois qui allaient suivre. Me mettre a picoler aussi pour combattre la douleur. Mais ce serait trop simple de tout ramener
à ca. L'alcool, les insomnies, la persistance de la déroute, elle n'est pas vu de ce jour là. Une route s'est juste fermé ce jour la, un rêve un peu crétin s'est effondré. Un peu comme notre
mélée ce jour la. Ma jambe écrabouillé, ce petit coup sec et franc. Tout le monde l'a entendu. Tout le monde se relève sauf moi. La douleur arrive au cerveau. Tout le monde se relève. Tout le
monde s'éloigne. Oh les gars. J'essaie de me relever, et a ce moment précis je gueule comme un nouveau né. Ma jambe, je hurle, ma jambe. Momo se penche vers moi, ma vue est brouillé par les
pleurs. Momo est tout blanc, il voudra venir avec moi à l'hôpital, je me souviens il pleurait pendant que les pompiers m'emmenaient dans leur camion rouge. Momo est mort dix ans plus tard, a
moto. Pas mal d'alcool dans le sang. J'ai rarement vu un enterrement aussi triste. Le médecin tout content, l'opération s'est très bien passé, vous n'aurez aucune séquelle. Et le sport je lui ai
demandé, et le sport. Faudra voir il a dit. C'était fini. J'ai bu après ça. Mais je ne voyais pas double. Je voyais le vide, le désert. Dans mon rêve je reprenais ma place sur le terrain. Dans la
réalité ce fut plus simple. Je n'ai jamais retrouvé le chemin. Personne pour me le montrer. J'étais perdu pour les valeurs du rugby. C'est aussi bien comme ça.