Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
19 juin 2009 5 19 /06 /juin /2009 20:37

649


Je n'ai pas été tellement épanoui en amour jusqu'à présent, mais cette fois j'ai l'impression que ça y est... Pourtant, ça n'y est pas. Ça n'y est jamais avec moi, jamais durablement. Il suffit qu'un amour soit possible, soit heureux, pour qu'au bout de 3 mois j'en découvre l'impossibilité. De la femme que j'aime, je commence à penser qu'elle ne me convient pas, que je me suis fourvoyé, qu'il y aurait mieux ailleurs, qu'en vivant avec elle je renonce à toutes les autres.

 

                                           Emmanuel CARRERE

 


Partager cet article
Repost0
18 juin 2009 4 18 /06 /juin /2009 18:26

650



Je m'attends à trouver ma mère au fond de son lit, épuisée, comme spectatrice de sa propre douleur, et je la retrouve en train de gambader sur la terrasse de l'hôtel Dieu. Plus tard, de retour dans la chambre, je demande à l'infirmière pas sympa si elle est sûre que c'est une chimio que ma mère vient de subir et pas une injection de cocaïne pure. L'infirmière pas sympa me regarde d'un air totalement ahurie, comme on regarde un type qui est en train de mal parler au parrain, comme on regarde un type qui vient de signer son arrêt de mort, l'infirmière n'en croit pas ses oreilles ou ses yeux, j'en sais rien. La femme sans dents qui partage la chambre de ma mère n'en peut plus de rire. L'écho de sa gorge, l'écho de son rire, de sa voix cassée, semble irréel dans la chambre. Vous êtes vraiment un comique elle me dit, un ange et un comique. Et encore je lui signale, vous ne m'avez pas vu après une chimio colombienne. J'escalade Notre dame à mains nues après un truc pareil. Elle n'en peut plus de rire, elle me demande de ne plus la faire rire, je n'ai plus de dents, mon rire sans dents c'est horrible. Je vous avais dit de ne pas manger les fruits qu'ils servent dans cet hôpital, du béton armé, des fruits congelés, bordel l'autre soir j'ai voulu éplucher la poire qu'on avait servi à ma mère, j'ai failli casser le couteau. Je comprends que vous n'ayez plus de dents ! La je crois qu'elle va exploser, on dirait que son petit corps se soulève et retombe dans le lit, ma mère me regarde d'un air navré, l'infirmière pas sympa est parti depuis longtemps faire claquer ses sabots sur le sol bruyant. Je reste encore un peu dans la chambre, ma mère me dit je vais sortir, je lui dis je vais venir dormir chez toi, ma mère me dit je ne peux rien contre ça. Tu n'en feras qu'à ta tête. Oui je dis, frissonant un instant en  me souvenant que mon père aussi pêtait le feu juste avant de mourir, oui je me dis, je n'en ferais qu'a ma tête. C'est tout ce que tu m'as appris.

Partager cet article
Repost0
17 juin 2009 3 17 /06 /juin /2009 18:58

651

 

Ta gueule dans le miroir, une canette à la main, ta gueule dans le miroir. Ce vieux Hank disait il suffit de s'asseoir devant sa machine d'ouvrir une canette et ça part tout seul, mon cul ouais, rien du tout qui part, pourtant l'alcool. La chaleur qui me scie en quinze, la chaleur qui m'épuise, déjà, moi l'enfant de l'hiver, je peux quand même pas passer mes journées à la piscine, mon regard méchant, ma gueule méchante, j'oublie l'hôpital, j'oublie le quartier des touristes, j'oublie que la vie se minuscule, j'oublie que je la trouve trop amoureuse pour être honnête. Je me demande comment font les gens, de tout temps, comment font les gens, le visage ruisselant, je vide ma canette, dans un verre que j'ai fauché je ne sais ou, alimentation générale, les couleurs, la féline, le lou pascalou, le soleil, la mercerie, le merle moqueur, chez gladines, le phénix, l'entrepot's, le pélican piston, la goguette, le diamant, au zorba, le gobe lune, la mécanique ondulatoire, objectif lune, le café de l'ermitage, le studio de l'ermitage, je ne sais plus, je l'ai piqué ce verre c'est clair, juste pour faire couler le liquide ambré. Ce qui est bien quand il fait chaud, et c'est un des seuls avantages, c'est que tu sens vite l'ivresse, surtout si tu ne manges pas. Obligé de manger du sucre, quand j'arrête l'alcool, je prends tout ce que je trouve comme cochonnerie au gigastore du boulevard diderot et je m'empiffre de ces sucreries que je déteste en temps normal. Je pense à mon dégoût de l'amour, à ma haine de tout ce qui s'installe, a mon aversion pour les projets, les objets, je me demande comment on peut vivre sans vouloir un peu de banalité, un peu de calme et de sérénité. Toujours je reviens à l'alcool, toujours je reviens à la destruction de mon foie, de ma gorge, à la destruction de mon âme. Je me demande pourquoi, comment, on veut toujours boire, encore et encore, comment on peut trouver un peu d'ampleur à toute cette bibine. Je pense à ma mère mourante et puis vivante, je pense à notre amour qui ne ressemble tellement à rien et qui est tout, je pense à toutes ces filles que j'aime maintenant qu'elles m'ont quittées, je pense à tout ces gens auxquels je ne dis rien et dont l'absence me submerge de solitude. Je pense à toi et toi et toi aussi, je pense à toi encore quand je te vois, je me demande comment tu peux encore me sourire, toi que j'ai tant fait souffrir, je me demande pourquoi les gens m'aiment bien alors que je suis juste absent, je pense à cette fille qui rigole alors que je n'ai pas encore ouvert la bouche. Je me demande, je m'amende de la douleur de ma propre vie, je pense à toi aussi et à ton corps tellement changeant que tu ne l'aimes plus. Je me demande comment nous nous supportons encore, je me demande pourquoi je suis si romantique et si mièvre et si lâche. Et puis je me verse encore une bière dans ce verre piqué je ne sais ou, et puis je me souviens que la soirée ne fait que commencer. Et puis je pense à l'inconnu, et je crois que c'est tout ce qui m'intéresse, en fait. L'inconnu(e).

 

 


Partager cet article
Repost0
17 juin 2009 3 17 /06 /juin /2009 08:00

652



Je n'ai pas le temps de te dire les maux et puis en même temps tu sais cette espèces d'euphorie tout à coup, le goût du chlore, le son des rires dans la chambre, la femme sans dents qui dit vous êtes mes anges, et ma mère qui répond on est pas encore mort attendez. Je ne sais plus, c'est tout ce qui m'intéresse, je ne parle plus, je nage je mange un peu, je ne sais si cette perception de la vie est dû au manque d'alcool, je ne parviens même plus à te serrer dans mes bras, je ne parviens même plus...Tu ne t'éloignes pas, tu n'es plus présente, je ne sais comment te parler, comment vous parlez, j'ai l'impression que je voyage, immobile, au milieu du décor de ma vie. Alors j'aligne les longueurs dans la piscine des queer à moustaches, alors je dépose mon corps absent au politburo, sans savoir ce que je fais réellement, alors je continue d'errer dans la ville, de lire des livres, de marcher sous le soleil, de plisser mes yeux derrière mes lunettes de soleil. Je continue de traverser le pont pour rejoindre l'hôtel de ville, le soir, un peu scotché quand même par la beauté de la ville, je regarde les touristes insouciants qui se prennent en photos, je renseigne ceux qui leur plan à la main semblent perdus comme des enfants. C'est bientôt que l'agonie va commencer non, je ne sais plus, c'est bientôt que la vie va commencer, non ? Je me perds dans les brumes d'islande en ce moment, dans la pluie et le brouillard, je me perds encore, c'est juste que je dois être encore en vie. Un type dans le journal dit qu'il n'a pas peur de mourir, je me demande, il n'a pas peur de se battre, je peux comprendre. Boire c'est juste la peur de vivre, boire c'est juste que l'on ne comprends pas comment se comporter, ce qu'il faut faire, ne pas faire. Je vois ton corps figé sur ta chaise, tu me demandes si c'est vrai que je pense à elle tous les jours depuis plus de 20 ans, je te dis que c'est presque vrai. Je pense à un autre aussi, tous les jours ou presque depuis 25 ans. Je pense au passé, beaucoup trop, j'ai comme qui dirait l'impression que la vie n'est qu'une fabrique à souvenir, que la vie n'est qu'une illusion, un présent qui ne vit que du passé, et aussi un peu de l'avenir. Boire c'est ça tu sais, c'est se donner l'impression que le présent existe. A jeun on est rien. Ou si peu. La vie de famille tout ça, les vies au travail, tout ça. Je me chlore, tu sais, je regarde la vie sous l'eau, j'ai mal au bras, au ventre, j'ai mal partout. J'ai faim à nouveau. Je regarde les filles d'été sur le pont, je me demande ce qui me reste à vivre, je me demande, si l'illusion de l'ivresse suffira à combler le vide. Je tourne la page, et puis encore une autre, je tourne la page, je marche sur le pont, je croise les touristes éblouis, je vacille un peu, le soleil m'écrase. Je tourne les pages.

Partager cet article
Repost0
16 juin 2009 2 16 /06 /juin /2009 07:10

653

Il sait que, quelque soit la manne qu’ils recevront ensemble ou séparément à l’avenir, ils entreront dans une intimité de plus en plus profonde avec la perte, à mesure que les années s’accumuleront, des amis mourront, ou glisseront sans histoire dans un passé peuplé de tant de visages, puis la mémoire elle-même vacillera et deviendra traîtreuse vers la fin ; il sait que les enfants eux-mêmes qu’ils auront peut-être un jour finiront par leur enseigner la douleur de la croissance et la séparation, tandis que leurs propres parents et mentors, mourront, les abandonnant seuls dans le monde, frissonnant sur le seuil obscur.


                                                                                                         Jay Mc Inerney

 

 


Partager cet article
Repost0
15 juin 2009 1 15 /06 /juin /2009 07:44

654



Ivresse lente. Monter. Descendre. Ivresse. Boire, ne plus boire. Dormir, ne plus dormir. Manger, ne plus manger. Ne plus savoir freiner, s'arrêter, ne plus comprendre, ne plus connaître les tourments, ne plus penser. Monter, descendre. Si tu ne savais, mais tu ne sais pas, ma main dans sa main, l'hôpital surchauffé, la ville surchauffée. Si tu savais mais tu ne veux pas. Revenir sur le bitume, boire un peu, boire trop peu, chercher l'ivresse, chercher, ne pas trouver, chercher les sentiments, chercher, ne pas trouver. Prends garde à la douleur des choses. Ouvrir des portes, s'accouder au zinc, chercher l'ennui, ne pas trouver, chercher le vide, ne pas trouver. Des cris au loin, des hommes qui errent dans des couloirs, des toux, des ronflements. Monter, descendre, la chaleur abrupte de la ville, les touristes, toujours, le parvis, un peu boire mais pas trop, parler, parler, parler, effacer les larmes, rendre les armes, reprendre vigueur. Ne plus savoir, juste attendre la cuite qui ne vient, juste apprendre les vérités, juste ne pas savoir, ne pas boire, ne pas voir. Marcher encore un peu, traverser le pont, au milieu des touristes qui se prennent en photo, juste entendre les mots parvenus aux oreilles, j'ai espoir vous savez, j'ai l'envie d'y croire. Je traverse des ponts, des descends des rues, j'erre sur des terrasses, je cherche l'ombre, j'évite la lumière. Boire, ne plus boire, tu sais toi le sens de toutes ces ivresses, de sens de tout ce zinc, de tous ces crétins debout dans les cafés, de tous ces crétins. Tu sais pourquoi on ne peut, mais, on ne peut pas, pourquoi l'alcool aimante la douleur sans l'oublier, pourquoi on ne trouve plus les cuites. On erre, même pas ivre, on ne comprends pas pourquoi les autres racontent n'importe quoi, on ne comprend pas pourquoi les soirées ne s'effacent pas, on ne trouve pas le sommeil, on ne trouve pas la faim. On ne sent ailleurs, du monde des vivants, du monde des perdants, du monde des sobres, du moment des poivrots, on ne s'accoude plus au zinc, on ne slalome plus dans les rues. Tu sais, j'aimerais comprendre, pourquoi les larmes ne viennent plus, pourquoi les idées se bousculent dans ma tête, pourquoi je ne pense à rien et à tout. Je cherche la cuite, je ne trouve que l'ivresse, je bois quelques verres, je regarde des filles sans rien ressentir, je monte les marches, j'évite les touristes sur le parvis, j'y reviens là, tu sais, je reviens toujours là tu sais, je reviens je pose ma main dans la sienne. Espoir dit la jolie médecin, désespoir dit la moins jolie interne, quoique, je me tais, je me débranche, et toi qui n'avance plus, et moi qui ne parle plus, étrangère de ton propre corps. Je m'éloigne de vous toutes, un autre me demande pourquoi je lui en veux, une autre me dit mais tu disparais. Je ne m'épargne plus, je suis sur la route. Personne ne m'arrêtera puisque je ne vais nulle part. Parfois il pleut, parfois pas, parfois le soleil sur la gueule, parfois pas, parfois j'avance, parfois pas. Mais je m'éloigne toujours. A petits pas.








Partager cet article
Repost0
14 juin 2009 7 14 /06 /juin /2009 08:47

655


Les enfants tourbillonnent sur la scène, les couleurs et les flashs dans ma tête. L'enfant me tend le petit livret et me demande de chanter une chanson. Sa voisine de devant se retourne à son tour et me demande de chanter aussi. La vie s'emballe sur la scène, je n'ai pas quasiment pas dormi, j'effectue des gestes mécaniques même si je ne me sens pas si fatigué. C'est plus tard en terrasse, après manger, après la bière et le vin que je commence à sentir les effets de cette très courte nuit. Je me souviens que la veille je n'ai pas tant bu que cela, je me souviens justement. Les gens, les mots, le trottoir, le comptoir, les verres. Le midi donc, après les enfants sur la scène dans la salle, après les gestes qui reviennent facilement après tant d'années en fin de compte, le midi donc. Le vin et le soleil. Et puis cette soudaine frénésie de manger, de tout dévorer, de vouloir du sucre, du chocolat, cette soudaine envie. Je me dis c'est l'épuisement ça, c'est quoi, c'est dire nous sommes vivants et vous êtes morts, c'est dire je suis encore présent, las, mais encore présent. Je ne sais plus. Dans la ville, ensuite, ne pas aller à l'hôpital aujourd'hui ne pas aller, téléphoner, parler un peu, des mots que je ne veux pas écouter, des mots d'espoirs, des mots peut-être, des mots peut-être pas. Je n'écoute plus, de toutes façons, je ne suis plus parmi vous. Le lieu vide, le soleil qui écrase, la rue jean pierre timbaud, des gens sur les trottoirs, s'enfermer dans une salle noire pour regarder puis parler, beaucoup parler. Je bois un picon bière dans un café, je discute avec hell qui me dit des mots que je n'entends pas, je discute avec d'autres, je regarde au loin ne sachant trop ce que je recherche. J'erre un peu dans la rue jean pierre timbaud, ne sachant trop si je veux la descendre ou la monter, je vacille entre oberkampf et couronnes, je vacille entre la vie et la mort, je vacille entre continuer et dormir. Je remonte la rue, le fourmillement du métro couronnes, je marche un peu sur le boulevard, mon mollet ferme ne soutient plus beaucoup mon corps las. J'ai envie de boire, encore et toujours, j'ai envie de vivre, mais je n'ai plus envie d'embrasser. Je marche, mécanique, sur le boulevard, je ne suis ni triste ni gai, je ne suis ni vivant ni mort, je ne suis plus que la carcasse qui me porte. Je me souviens des enfants le matin sur la scène, je me souviens de toute cette innocence qui chantait du mozart, je me souviens de la veille, de ce type que nous avons découpé en rondelles et qui nous a dit vous semblez stressé, je me souviens des appels sur le téléphone, je me souviens des verres portés à mes lèvres, des corps qui s'emballent, je me souviens de tout de rien, de toi de moi, et de vous aussi, et de toi aussi. Je marche un peu, je descends les escaliers, je suis sur le quai, je suis sur la ligne 2 l'épuisement, je rentre dans le métro, je m'assois, je regarde une fille en face. Je regarde encore un peu. Je suis encore parmi les vivants.












 
Partager cet article
Repost0
13 juin 2009 6 13 /06 /juin /2009 07:35

656



On recommence, toujours, les mêmes mouvements les mêmes gestes, les mêmes épreuves, les mêmes regards enivrés. Ne plus manger, un peu boire. Ne plus manger, juste boire. Malgré l'ivresse, un peu légère, un peu passagère, ne plus dormir non plus. Les mots s'épuisent, les mots m'épuisent, même eux, un peu, juste lire des phrases dans le métro, juste élire des phrases a voix haute, juste attendre entre deux ivresses, entre deux visites. Souvent la ligne 4, la ligne de la chaleur, la ligne des touristes, la ligne de ceux qui font gare de l'est gare montparnasse. Souvent la ligne 4. Parfois non. Parfois la ligne 7, la ligne de l'enfance, la ligne du politburo, la ligne de la première carte orange de collégien. Je descends à chatelet, je prends la sortie du théâtre de la ville. Ça me rappelle des souvenirs, les soirs en semaine ou j'avais le droit de me coucher tard, abonné que j'étais au théâtre de la ville, avec des pièces auxquels je ne comprenais rien, et des spectacles de danses un peu ardus pour un collégien. Je sors du métro, juste à l'angle, devant le café sarah Bernhard. Prendre l'avenue victoria, passer la tour saint jacques, elle est toute jolie maintenant tout grattée, presque immaculée. Bifurquer avant d'arriver place de l'hôtel de ville, rue saint martin. Marcher commencer à s'inquiéter, marcher se demander comment elle va être, marcher penser à la jolie médecin, penser aux mots qui sortent de la bouche de la jolie interne, sentir la main de la jolie infirmière. Je deviens mièvre je me dis, je trouve toutes les filles jolies. Se demander le petit corps dans le lit, le sourire bravache. Sentir son visage coupants quand je l'embrasse. Les éclats de rire quand l'interne lui propose un psychologue. La rue saint martin puis le pont notre dame, parfois direct de la place du chatelet puis le pont au change, parfois je descends à saint michel puis je viens par l'autre côté, parfois je déboule du métro en plein coeur du marché aux fleurs. Toujours saturé de touristes, de flics, toujours, parfois la pluie délave un peu la ville, parfois le soleil parodie le présent. Toujours j'arrive sur l'île de la cité assiégée, toujours je me demande comment je vais la trouver, parfois après ma visite, je vais me noyer dans le chlore de la piscine des halles, au milieu des queer à moustache. Parfois je vais me noyer un peu dans l'ivresse, un peu mais pas trop. Je pense à ce moment de la soirée ou je bois un coca et une fille goûte trois fois mon verre, éberluée que ce soit du coca pur et pas un cocktail. Les gens te disent toujours de moins picoler, et puis quand tu le fais, tout le monde te demande ce qui t'arrive. Qu'est ce qui t'arrive d'ailleurs, hormis le renouvellement bien naturel des générations, hormis que toute ta famille est peu à peu décimée. Trop vieille, trop daté, ta famille. Parfois je longe le quai de l'horloge, jusqu'au pont neuf, parfois j'entends les cloches de notre dame. Les touristes me demandent leur chemin, leur plan à la main, à la recherche d'un graal sans doute. Entrer dans l'hôpital, bifurquer à droite, croiser quelques errants, monter les quelques marches, longer la fontaine, longer le jardin, dire bonjour au schtroumpf, le couloir d'un autre siècle, tourner à gauche, monter les escaliers. Là. Ouvrir la porte, le couloir surchauffé, première chambre a gauche. Là.




Partager cet article
Repost0
12 juin 2009 5 12 /06 /juin /2009 07:16

657


Tu n'as jamais cette impression que, quel que soit l'endroit où tu vas, tu n'arrives jamais vraiment nulle part ? Parfois, on a beau souffrir énormément et jurer qu'on ne nous y reprendra plus, d'une façon ou d'une autre, si l'on juge que le jeu en vaut la chandelle, on oublie et on prend le risque. Pourquoi les femmes continuent-elles à avoir des enfants par exemple ?


                                                                                     John HARVEY

 


Partager cet article
Repost0
11 juin 2009 4 11 /06 /juin /2009 08:06

658

 

 

Toujours la légèreté, toujours cette absolue nécessité de survivre dans la jungle des sentiments et de la douleur. J'erre sur l'immense terrasse du grand hôpital entre deux averses. Je descends, je monte les escaliers, je regarde les assiettes en plastique sur le plateau usé, elle me dit tu ne vas pas tenir, elle me dit tu ne peux pas tenir ce rythme. Chlore. Sous l'eau dans la piscine, je pense à l'aiguille qui continue de descendre, une autre me dit, tu n'as pas pensé à consulter ? Tout est noyé, tout est sous l'eau, tout est mouillé, il pleut des trombes d'eau sur le parvis de notre dame, tout le monde court sous des parapluies, ma veste est trempée, ma chemise est trempée, mon pantalon est trempée, mes chaussettes sont trempées. Mon corps me guide jusqu'au métro, l'hôtel de ville noyée sous la pluie. Dans le métro serpent, je me demande combien de temps ça va durer. Je repense à mon père, je repense à la soudaineté de sa déchéance. Je dis à ma mère, si tu veux retourner chez toi, je peux venir aussi. Je sors sur la grand place trempée, encore monter des escaliers, encore monter. La fille pourrait être ma fille je me dis, alors que j'égrène mon CV, je me dis les premières années dont je lui parle, elle devait être en maternelle. Je raconte n'importe quoi, marrant comme une vingtaine d'années se résument à rien. Presque rien. Je parle des villes, je ne vais quand même pas parler des boulots. Ma mère me dit assieds toi sur le lit, je me rends compte que son corps est si ratatinée que j'ai plein de place dans le lit. J'entre dans l'appartement, trempée, l'âme noyée, les yeux embués, toutes tes affaires trempées sont à même le sol. Ma mère me demande si je ne veux pas venir un peu moins la voir, ma mère me demande si je ne suis pas choqué par sa dégradation physique, ma mère me demande si je vis normalement malgré elle. Tu me parles de ta journée puis tu me dis, oh merde excuse moi je ne te demande pas de nouvelles, ça me fait des vacances je réponds. J'ouvre une bouteille de vin, je roule une cigarette, une belle réussite je me dis, une journée sans boire et fumer, vraiment une grande réussite, une journée sans boire et fumer. Les nuits errantes, sous la pluie, sous la nuit, hell me dit j'ai peur de ta réaction si ta mère venait à disparaître, j'ai peur que tu changes encore tout, j'ai peur pour toi. Des voix de l'autre côté de l'atlantique, même p'tit mec ne semble plus rire, même zapatta n'est pas rieur, même moyen mec semble se poser des questions. Chlore. Des voix dans ma tête, des peurs dans les yeux, monter, descendre, attendre le métro sur le quai, avaler la pluie, répéter les mêmes mots mécaniques, ne plus manger, juste boire, avaler du chlore, rouler des cigarettes, tenir une main calleuse, embrasser des lèvres, mordre des chairs, boire des verres, s'engueuler en riant, entendre des remarques, égarer toute son âme. Tu sais je touche à l'os, je suis en train de perdre tout le gras de la vie, je suis en train d'évacuer tout le surplus. Mais sincèrement, j'ai aucune idée de ce qui va rester.

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0