Ivresse lente. Monter. Descendre. Ivresse. Boire, ne plus boire. Dormir, ne plus dormir. Manger, ne plus manger. Ne plus savoir freiner, s'arrêter, ne plus
comprendre, ne plus connaître les tourments, ne plus penser. Monter, descendre. Si tu ne savais, mais tu ne sais pas, ma main dans sa main, l'hôpital surchauffé, la ville surchauffée. Si tu
savais mais tu ne veux pas. Revenir sur le bitume, boire un peu, boire trop peu, chercher l'ivresse, chercher, ne pas trouver, chercher les sentiments, chercher, ne pas trouver. Prends garde à la
douleur des choses. Ouvrir des portes, s'accouder au zinc, chercher l'ennui, ne pas trouver, chercher le vide, ne pas trouver. Des cris au loin, des hommes qui errent dans des couloirs, des toux,
des ronflements. Monter, descendre, la chaleur abrupte de la ville, les touristes, toujours, le parvis, un peu boire mais pas trop, parler, parler, parler, effacer les larmes, rendre les armes,
reprendre vigueur. Ne plus savoir, juste attendre la cuite qui ne vient, juste apprendre les vérités, juste ne pas savoir, ne pas boire, ne pas voir. Marcher encore un peu, traverser le pont, au
milieu des touristes qui se prennent en photo, juste entendre les mots parvenus aux oreilles, j'ai espoir vous savez, j'ai l'envie d'y croire. Je traverse des ponts, des descends des rues, j'erre
sur des terrasses, je cherche l'ombre, j'évite la lumière. Boire, ne plus boire, tu sais toi le sens de toutes ces ivresses, de sens de tout ce zinc, de tous ces crétins debout dans les cafés, de
tous ces crétins. Tu sais pourquoi on ne peut, mais, on ne peut pas, pourquoi l'alcool aimante la douleur sans l'oublier, pourquoi on ne trouve plus les cuites. On erre, même pas ivre, on ne
comprends pas pourquoi les autres racontent n'importe quoi, on ne comprend pas pourquoi les soirées ne s'effacent pas, on ne trouve pas le sommeil, on ne trouve pas la faim. On ne sent ailleurs,
du monde des vivants, du monde des perdants, du monde des sobres, du moment des poivrots, on ne s'accoude plus au zinc, on ne slalome plus dans les rues. Tu sais, j'aimerais comprendre, pourquoi
les larmes ne viennent plus, pourquoi les idées se bousculent dans ma tête, pourquoi je ne pense à rien et à tout. Je cherche la cuite, je ne trouve que l'ivresse, je bois quelques verres, je
regarde des filles sans rien ressentir, je monte les marches, j'évite les touristes sur le parvis, j'y reviens là, tu sais, je reviens toujours là tu sais, je reviens je pose ma main dans la
sienne. Espoir dit la jolie médecin, désespoir dit la moins jolie interne, quoique, je me tais, je me débranche, et toi qui n'avance plus, et moi qui ne parle plus, étrangère de ton propre corps.
Je m'éloigne de vous toutes, un autre me demande pourquoi je lui en veux, une autre me dit mais tu disparais. Je ne m'épargne plus, je suis sur la route. Personne ne m'arrêtera puisque je ne vais
nulle part. Parfois il pleut, parfois pas, parfois le soleil sur la gueule, parfois pas, parfois j'avance, parfois pas. Mais je m'éloigne toujours. A petits pas.