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27 octobre 2014 1 27 /10 /octobre /2014 19:23
A rebours

C'est pour moi capitaine dit le serveur en déposant un kir sur le zinc devant mézigue. Tout le bar semble au garde a vous depuis que je suis entré dans le rade. Presque pas un bruit. Le vieux a côté de moi toujours collé au bar semble moins ironique que d'habitude, ce qui pour un type qui ne parle jamais peut paraître curieux, mais même son verre de bière ne bouge pas. Au garde a vous lui aussi. On pourrait presque entendre une mouche voler, mais manque de bol c'est un magicien qu'on va entendre parler. Il s'approche de moi mais a ma grande surprise même lui ne parle pas, j'ai le souffle coupé capitaine il murmure, mais bordel qu'est ce qui vous ait passé par la caboche. Je suis désolé capitaine, c'est de ma faute reprend le serveur. La vieille alcoolique lève son verre, l’assèche, et s'exclame haut et fort, ça fait plaisir de vous voir a nouveau debout capitaine. Le bar vacille, tout le monde se tient les côtes et n'en pleut plus de rire. Je savais en entrant dans le café que je risquais quelques quolibets. Mais je m'en fous un peu en fait, il fallait que je boive un coup pour me remettre des mes émotions, j'ai vraiment cru que le fantôme allait me quitter. Je préférais qu'on me lapide en place publique plutôt que d'être quitté par le fantôme. Le serveur fait les gros yeux a l'alcoolique mais remplit quand même son verre vu qu'elle représente une part non-négligeable de son chiffre d'affaire tu veux pas fermer ta grande gueule bordel, c'est pas une bouche que tu as, c'est une fosse septique il lui dt. En tout cas, pour quelqu'un a genou une bonne partie de la journée, vous avez bien galopé sur le port quand vous courriez après le fantôme, reprend l'alcoolique pas impressionné. Tout le bar rigole. Des larmes sur les joues tellement ils rigolent. Bordel le foin qu'ils font, ils vont réveiller le fantôme et l'énerver de nouveau alors qu'elle dort tranquillement dans la cabine je pense avec une tendresse un peu béate. Le serveur me sert un nouveau kir a peine j'ai fini le mien et il dit c'est encore et toujours pour moi capitaine, je me sens stupide si vous saviez. Pourquoi je hausse les épaules, c'est moi qui était con de me mettre a genou pour cette baraque. En tout cas on a jamais vu un capitaine courir aussi vite après un fantôme elle reprends la vieille alcoolique maintenant que le public est acquis à sa cause, et on avait jamais vu un bateau bougé autant sous le poids de la fureur d'une faible femme. Les vitres tremblent tellement tout le bar est mort de rire. Écouter pas capitaine, dit le serveur, ils sont tous bourrés. C'est pas de votre faute je dis, c'est moi, je ne sais pas ce qui m'a pris d'aller me mettre a genou pour qu'une vieille bique veuille bien me vendre sa maison. Non c'est moi capitaine, je pensais qu'elle vous avait demandé de le faire, enfin je suis désolé quoi, je l'ai presque engueulée, je croyais qu'elle vous avait demandé de faire ça. On voyait de la fumée sortir du bateau, je croyais que le capitaine avait installé une cheminée mais en fait non, c'est le fantôme qui fumait par tout les naseaux continue l'alcoolique. Le bar rit tellement qu'on va en perdre un ou deux je me dis. Vous savez j'explique au serveur et au vieux scellé au bar, qui sont les deux seuls a ne pas écouter le one-woman-alcoolico-show, je ne sais pas ce qui m'a pris, je me suis retrouvé devant cette baraque et tout a coup je suis tombé a genou. Comme ça. Et je ne pouvais pas bouger, c'était plus fort que moi, c'est comme si j'étais collé au sol. Et puis reprends l'alcoolo, le capitaine a du dire non ne détruis pas le bateau, j'ai pas pu acheter la maison. Les hurlements redoublent. Je souhaite juste que le fantôme n'entende jamais cette phrase parce qu'il va y avoir un massacre je me dis. Le serveur m'offre encore un verre, je commence a sentir l'ivresse et je sais qu'il est temps de rentrer, si je rentre ivre après la journée qu'on vient de passer, je vais regretter d'être encore en vie. Hey capitaine me salut l'alcoolique alors que je pousse la porte, vous allez vous agenouiller devant quel baraque demain, ça marchera peut-être mieux ? Il y a du brouillard sur le port, je devine le bateau plus que je ne le vois. Un cœur bat dans la cabine. Mon cœur bat dans la cabine. Un cœur suffira pour nous deux. Un seul coeur pour nous deux.

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