Avant le film, je lève un œil déjà las de mon livre quand pendant les bandes annonces j'entends la voix la plus insupportable du cinéma français. L'acteur cabotine, il suffit de deux secondes pour constater qu'en boulanger il est aussi crédible que mézigue en rôle de petit rat. Le film semble pénible, c'est un peu criminel ce système ou pour vivre en tant qu'artiste, il faut chaque année tourner un film, écrire un livre, sortir un disque. C'est ce que je n'aime pas dans l'intermittence, ce côté fonctionnaire artistique. La bande annonce du film avec la diva cabotineuse se termine enfin. Je me demande comment des êtres humains parviennent encore à venir au cinéma pour voir des films avec fabrice lucchini. Je termine mon chapitre pendant la publicité alors qu'un spectateur vient s'asseoir à quelques sièges de moi. En général je suis tout seul à mon rang, mais bon c'est supportable, je m'installe toujours au second rang au cinéma, pour être tranquille, pour n'avoir aucune tête entre mes yeux et l'écran. C'est pour ça aussi que je vais presque toujours tout seul au cinéma. Je n'étais pas retourné au cinéma depuis le miracle de under the skin. Le film est un nouveau miracle, surtout la maîtrise du rythme, du récit, de la photo, pour un premier film c'est assez incroyable. Adèle haenel est incandescente comme toujours, et le frère de l'acteur un peu connu lui ressemble étrangement. Pas tellement mais beaucoup. La même énergie qui brûle à l'intérieur. Je rentre à pied comme parfois après un film, pour digérer mes émotions et l'énergie que ça me donne. J'ai l'impression que j'ai de la chance en ce moment avec le cinéma, comme si les images dessinaient un peu ma vie, soulignaient un peu mon existence. J'entends l'émotion de la plus belle femme du monde au loin, je sais qu'elle est émue elle aussi, je le sais. Alors je lui prends et je lui dis qu'on va rentrer à la maison. Qu'on va rentrer dans notre maison.
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