Un air déja connu

Nièce l'américaine masse ma mère, les infirmières viennent dans la chambre pour dire ça sent bon. La femme qui est avec ma mère dans la chambre l'appelle maman. Ah oui dit ma mère, j'avais une fille brune, une fille blonde, un garçon roux, et maintenant j'ai une fille noire. Je me retrouve a manger du poulet yassa qui m'arrache la gueule avec des bananes plantains un peu sêches. Je partage un peu de ma vie avec nièce l'américaine, je me rends compte que ma principale confidente est une enfant de quinze ans. Ma vie est une série américaine un peu kistsch.  Je traîne avec hank en allemagne. Je dérive avec dan fante dans les bas-fonds de la cité des anges. Je regarde la tragédie familiale d'un air un peu détaché, mais je me réjouis de ne pas être assez nanti pour ignorer la douleur et écraser le monde de mon mépris mécanique. Je marche sur ce boulevard ou je suis né il  y a des siècles de ça, j'efface quelques larmes pour ne pas me laisser aller a des sanglots crétins. Je suis si fatigué que je ne ressens plus rien. Je ne suis plus du tout fatigué quand tu me dis ne pas m'en faire. Tes paroles sont comme des capsules de vie qui m'insuffle du souffle. La vie me broie un peu mais pas tant que ça. Je me dis que je serais bientôt orphelin et que c'est sans doute normal à mon âge. On dirait qu'il fait soleil, on s'assied sur le trottoir avec nièce l'américaine pour siroter nos canettes de boissons sucrées. On se sourit. Nous sommes un peu perdus, un peu humains.  Alors on se tient la main. Encore un peu plus humains.