Dégout des couleurs

 

Ma vie en noir et blanc. Un film un peu vieillot, un peu dépassé, un peu déjà mort. Ma vie est noir et blanc. Gin tonic. Café fort. Il faudrait que je parvienne à m'énucléer le cerveau. Nuit blanche sur nuit blanche sur nuit blanche. La guillotine au loin. Tromper l'ennemi et aller chez gibert le midi entre deux rasades de politburo. Le rideau se soulève et nous entrons dans le noir. On se tient par les épaules, la serveuse aveugle nous demande nos prénoms. On entre dans le noir. Une fille m'appelle, je suis toujours le roux de secours qu'on appelle quand on veut sortir. Sans doute que son mec l'a plaqué et elle veut se bourrer la gueule pour se changer les idées. Je ne suis plus parmi vous je lui dis. Je ne suis plus parmi nous. Ma vie en sourd et ocre. Dès le matin il fait lourd, j'essaie vaguement de dormir. J'essaie vaguement de m'enfuir dans les rêves d'ailleurs. Je regarde le nouveau carrère chez gibert. Il n'est pas encore d'occase, je l'achète pas. L'attente fait partie du plaisir. Comme un désir. J'ai lu limonov, il y a quelque chose comme une vingtaine d'années. Mon dieu. Voire 25. Il avait une espèce d'aura de bulowsky russe. Je crois pas avoir accroché. Mais j'aimais bien les titres de ses bouquins. Important ça les titres. La serveuse aveugle nous aide à nous asseoir. Les gens d'a côté parlent une drôle de langue. Du suèdois je demande au type, du grec il me réopnd d'un air outré. Mes yeux s'habituent à l'obscurité totale, il y a comme une légère angoisse, on parle, un peu fort, comme pour se rassurer, comme pour se préserver. La première fois que j'ai vu un film de nanni moretti, c'était la messe est finie. Il jouait un prêtre. Je me souviens comme c'était bidonnant. Je me souviens de ça pendant habeus papam qui me plaît bien plus que je ne le pensais. Je pense au fantôme j'achète le journal de jules renard. Je pense au fantôme j'achète la red riding trilogy en dvd. Je me souviens comme j'avais failli aller dans la ville voir david peace. Je rencontre le type que j'ai le moins envie de rencontrer au monde. Toute ma vie. Dans la rue près de chez moi. Bordel je veux l'éviter mais il fonce vers moi. Bordel cette voix de fausset, ce ton sirupeux et condescendant, mais bordel qu'est ce qu'elle lui trouve ? Laissez la tranquille il me dit. Il me parle comme si j'avais 5 ans, comme si j'étais un demeuré profond, figurant de l'île aux enfants. Bordel qu'est ce qu'elle lui trouve ?  Le troisième joey goebbel est sorti. Je le trouve chez gibert. Plus de 20 euros. va falloir attendre l'occasion. 2011 ça restera la découverte de joey goebbel. Le nouveau jerry stahl aussi coûte une fortune. Mais je trouve des trucs quand même. Je continue ma vie noir et blanc. Je trilmballe ma carcasse usé le long de belleville et de ménilmontant. Les terrasses sont blindés. Le soleil écrase tout. Je suis un peu déçu, j'attends la fraîcheur. Je me souviens de la fille qui m'a dit crêve dans la rue, crêve sur mon gsm, crêve par sms, crêve sur mon répondeur à la maison. Si seulement je me dis, si seulement. Un type patibulaire répare la porte du club libertin de la rue pixérécourt. J'erre encore un peu. J'ai toujours l'impression que c'est la fin de tout. J'ai toujours l'impression que c'est le début de tout. On mange dans le noir. On devine pleins de viande différente. Le fait de manger annihile l'angoisse. Peut-être que le fait de vivre aussi. La serveuse me touche les mains quand je quitte la salle dans le noir, regarder par terre elle me dit, pour ne pas être trop ébloui. J'attends la prochaine cuite. J'attends une dernière cuite. J'attends et il ne sera passera rien. Je vis en noir et blanc. Je reste en moi-même. Loin des humains. Loin. Très loin. Si loin.